Martin Luther-King (1929-1968)

“I have a dream”

Martin Luther King est un merveilleux exemple de magnanimité. La magnanimité est la vertu des personnes qui sont à la fois des philosophes et des hommes d’action.

King était un militant non-violent pour les droits civiques des Noirs aux États-Unis. En 1963 il écrivait de sa prison de Birmingham: « Quand vous avez vu des populaces vicieuses lyncher à volonté vos pères et mères, noyer à plaisir vos frères et sœurs ; quand vous avez vu des policiers pleins de haine maudire, frapper, brutaliser et même tuer vos frères et sœurs noirs en toute impunité ; quand vous voyez la grande majorité de vos vingt millions de frères noirs étouffer dans la prison fétide de la pauvreté, au sein d’une société opulente; … quand vous combattez sans cesse le sentiment dévastateur de n’être personne ; alors vous comprenez pourquoi nous trouvons si difficile d’attendre. Il vient un temps où la coupe est pleine et où les hommes ne supportent plus de se trouver plongés dans les abîmes du désespoir. J’espère, Messieurs, que vous pourrez comprendre notre légitime et inévitable impatience. »

Martin Luther King prêchait la non-violence, mais il n’hésita pas à pratiquer la colère juste qui stimule l’audace et engendre l’action. King nous dit que la douceur est une erreur et un péché lorsque la justice et le bon sens exigent la colère.

Dans cette même lettre de sa prison de  Birmingham il écrit : « Depuis des années, j’entends ce mot : “ Attendez ! ”. Il résonne à mon oreille, comme à celle de chaque Noir, avec une perçante familiarité. Il nous faut constater avec l’un de nos éminents juristes que “ justice trop tardive est déni de justice ”… J’en suis presque arrivé à la conclusion regrettable que le grand obstacle opposé aux Noirs en lutte pour leur liberté, ce n’est pas le membre du White Citizen Counciler, ni celui du Ku Klux Klan, mais le Blanc modéré … qui croit pouvoir fixer, en bon paternaliste, un calendrier pour la libération d’un autre homme ; qui cultive le mythe du temps-qui-travaille-pour-vous et conseille constamment au Noir d’attendre un moment plus opportun… Nous avons attendu pendant plus de trois cent quarante ans les droits constitutionnels dont nous a dotés notre Créateur… De plus en plus, je pense que les gens mauvais utilisent le temps beaucoup plus efficacement que les gens de bien. Nous aurons à nous repentir dans cette génération, non seulement pour les mots et les actions des personnes haineuses, mais pour le silence effroyable des personnes de bonne volonté… Nous devons utiliser le temps de façon créative, en sachant que le moment est toujours venu de faire le bien ».

Avoir laissé passer l’occasion, ne pas avoir entrepris par peur ou par paresse, voilà ce qui fait souffrir plus que tout un esprit magnanime. Pour le magnanime, le mal ce n’est pas le mal que font les autres, c’est le bien que lui, personnellement, ne fait pas. Un cœur magnanime ne craint pas l’erreur : il craint l’inaction.

Martin Luther King était un mélancolique audacieux. Ses crises régulières de mélancolie ne l’empêchèrent de surmonter ses peurs et de se lancer dans l’action. Cet homme profondément contemplatif fut le premier à lutter de manière soutenue pour les droits des citoyens noirs aux Etats-Unis. Il organisa la marche vers Washington pour le travail et la liberté qui fut un énorme succès. Plus de 250 000 personnes de toutes les ethnies se réunirent le 28 août 1963 face au Lincoln Memorial, dans ce qui fut la plus grande manifestation ayant eu lieu à cette date dans l’histoire de la capitale américaine.

Le point culminant de cette marche fut le discours de King « I have a dream ». Cette déclaration est considérée comme un des meilleurs discours de l’histoire américaine. King improvisa: « Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo :  “Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux” ».

Martin Luther King nous dit que le leadership commence par le rêve. Le rêve est en effet l’essence de la magnanimité. Les leaders sont des rêveurs dont les rêves se traduisent en action. Le rêve du pusillanime est une chimère. Le rêve du magnanime est une réalité : il est dirigé vers l’action.

Le 3 avril 1968, la veille de son assassinat, King il prononça un discours poignant aux résonnances prémonitoires : « Je ne sais pas ce qui va arriver maintenant. Nous avons devant nous des journées difficiles. Mais peu m’importe ce qui va m’arriver, car je suis allé jusqu’au sommet de la montagne. Je ne m’inquiète plus. Comme tout le monde, je voudrais vivre longtemps. La longévité a son prix. Mais je ne m’en soucie guère. Je veux simplement que la volonté de Dieu soit faite. Et il m’a permis d’atteindre le sommet de la montagne. J’ai regardé autour de moi. Et j’ai vu la Terre promise. Il se peut que je n’y pénètre pas avec vous. Mais je veux vous faire savoir, ce soir, que notre peuple atteindra la Terre promise. Je suis heureux, ce soir. Je ne m’inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. »

Martin Luther King fut un rêveur et un acteur, un homme de grandeur et de service. Il infusa dans le cœur de chaque noir américain un sens élevé de sa dignité propre. Et c’est bien en cela que constitue le leadership.