Edouard Michelin (1859-1940)

“Il est nécessaire de casser la pierre pour y trouver le diamant caché à l’intérieur”

Lorsqu’en 1954 François Michelin devint gérant de la société Michelin, il avait 28 ans. Son grand père Edouard Michelin, le fondateur de l’entreprise, était mort en 1940. François occupait le bureau de son grand père Edouard, un petit bureau resté célèbre par sa sobriété. Un jour, dans les années soixante, un employé partant à la retraite était reçu par François Michelin dans ce même bureau. C’est avec une grande émotion qu’il raconta alors à son patron que lorsqu’il avait 16 ans et que son travail constituait à distribuer le courrier de l’entreprise, on lui avait demandé un beau matin de remettre une lettre en mains propres à Edouard Michelin. Très impressionné il se présenta au bureau d’ Edouard qui le fit entrer en lui disant « Bonjour monsieur, veuillez entrer et vous asseoir ». Cette marque de déférence de la part du grand patron l’avait profondément marqué. Ces mots étaient restés gravés jusqu’à ce jour dans son esprit et dans son cœur. Le fondateur de la société manifestait un profond respect pour les personnes quelle que fût leur position sociale.

Pour Edouard Michelin aider l’homme à devenir ce qu’il est, voilà ce qui compte avant tout. C’est cet esprit Michelin qui a permis que Marius Mignol, un ouvrier typographe sans formation intellectuelle, devienne l’inventeur du pneu radial qui révolutionna toute l’industrie du pneumatique. Lorsqu’il fut embauché, Mignol aurait dû être envoyé à l’imprimerie de la manufacture, mais Edouard Michelin s’adressa au chef du personnel en ces termes : « Ne t’arrête pas aux apparences. Souviens-toi qu’il est nécessaire de casser la pierre pour y trouver le diamant caché à l’intérieur. »

Mignol fut nommé au service commercial chargé des marchés d’exportation. C’est là qu’un jour Edouard Michelin remarqua une curieuse règle à calcul sur sa table. Mignol l’avait conçue pour convertir plus rapidement les devises. Edouard s’écria : « Cet homme est un génie ! ». Mignol s’avéra être un homme d’une imagination extraordinaire. On le muta donc au service de recherche, à un moment où le pneu conventionnel avait atteint ses limites en raison de son échauffement à grande vitesse. Pour étudier les flux de chaleur dans un pneu, Mignol imagina la « cage à mouche », un pneu dont les flancs étaient remplacés par des câbles métalliques radiaux et très espacés. Le pneu qui résulta de ces recherches se révéla révolutionnaire.

C’est parce qu’ Edouard Michelin s’intéressait aux hommes plus qu’aux choses que Marius Mignol put découvrir ses talents et les mettre au service des autres.

L’humilité fraternelle, loin d’être un obstacle au développement de l’entreprise, est la condition de son succès : la société Michelin est le numéro un mondial du pneumatique.